Des comparaisons éclairantes

Retour en arrière de quelques années et essayons de voir comment l’évolution du son ou des techniques d’enregistrement (en particulier l’utilisation de la compression) peuvent influer sur l’écriture d’un compositeur ou sur une esthétique.

Pour le même compositeur

Lalo Schifrin

1971, c’est la sortie du film « Dirty Harry » ( « L’inspecteur Harry » en français) avec Clint Eastwood. C’est le premier de la série des inspecteurs Harry. Le score (musique de film) est très représentatif d’un film d’action urbain des années 70 : grande influence de la musique noire américaine sur les rythmes funkisant, percussions, piano électrique, cordes. Belle fidélité des timbres, grande dynamique, beaucoup d’espace, globalement la musique respire. Peu de compression.

 

En 1988, « The dead pool » ( » L’inspecteur Harry est la dernière cible » en français) est le dernier film de la série. Sur les cinq composant cette série, Lalo Schifrin aura composé la musique de quatre d’entre eux. C’est l’évolution des scores composés qui est intéressante car sur ce type de film la musique en général colle à l’époque et sur ce dernier opus le contraste est saisissant par rapport au premier. La plupart des sons sont synthétiques et pas très intéressants. Le son globalement est très compressé. La batterie qui démarre est vraiment « terrible » et le passage à partir de 0:45 est particulièrement poussif. Ce n’est sans doute pas, c’est un euphémisme, la meilleure partition de la Lalo Schifrin.

 

17 années séparent ces deux bandes originales de film signées toutes deux par un grand compositeur. Mais quelle différence dans le son ! Toutes deux sont très représentatives de leur époque.


Évolution du son dans un style

« Sex machine »
James Brown 1970

Un classique créé et enregistré à un moment où une partie de la musique noire américaine va évoluer du Rythm and Blues et de la soul music (Stax par exemple) au funk. Le morceau repose essentiellement sur la batterie, la basse et la guitare rythmique et, évidemment, la voix de James Brown. Deux des trois instruments cités sont électriques donc amplifiés mais le son qui sort du haut-parleur est peu traité à l’enregistrement. Globalement, il n’y a pas, comme pour les Beatles ou d’autres exemples déjà écoutés, de gros travail sur le son lors de l’enregistrement. Les timbres sont fidèles. Il y a de la compression sur la caisse claire, par exemple, mais elle ne dénature pas le son. L’ensemble donne plutôt l’impression d’un enregistrement de concert. C’est l’effet voulu et la technique est ici au service de cet objectif. Donc peu de traitement mais une grande performance.

 

 

« I’m so Excited »
Pointers Sisters – 1982

 

Changement de décor avec ce titre qui est pourtant dans la continuité du précédent dans l’histoire de la musique noire américaine. Le contraste est du même type que celui entendu entre les deux partitions de Lalo Schifrin. L’ensemble sonne très synthétique et très, très compressé. Pourtant il y a des instruments « classiques » : guitare électrique, basse, piano, orgue, percussion, mais ils sont tous traités et il est parfois difficile de les reconnaître dans un son dense où il y a peu d’air. Vous l’avez compris maintenant, il y a très peu de dynamique sur ce morceau.

L’ensemble est pourtant assez efficace, en grande partie grâce à l’abattage des Pointers Sisters, et l’objectif recherché (explicitement indiqué dans le titre) d’atteindre une certaine excitation est globalement atteint.

Dernier point, l’enregistrement est formaté pour la radio qui comme nous le verrons très prochainement n’est pas innocente dans cette histoire.

 


Dans les comparaisons ci dessus, la balance penche plutôt, artistiquement, du côté des anciens titres et donc en défaveur de la compression. Attention, c’est un effet d’optique lié au comparatif. Il ne faudrait pas en tirer la conclusion qu’il faut toujours éviter la compression. Ce n’est qu’un outil. Certains comme les Beatles vont l’exploiter de façon créative et intéressante. Malheureusement, la compression possède aussi un côté obscur que nous commencerons à illustrer la prochaine fois.
Conclusion

Suite : Compression audio part. 6 : Dommages collatéraux (en TV et en radio)
https://blog.formations-musique.com/2009031646-compression-audio-part-6/