Photo Albert Yau Licence CC BY 2.0

Mis à jour le 5 août 2016 avec un article de CNBC
Mis à jour le 2 septembre 2015 avec un article du Monde du 21 août 2o15

Plusieurs articles récents (Rock ‘n’ Folk, Diapason, The Guardian, Le Monde) sont revenus sur la question récurrente de la qualité du son en musique enregistrée dans la multiplicité des formats disponibles. Cette récurrence démontre une fois de plus que la question est beaucoup moins simple qu’il n’y paraît. Le simple c’est de croire que lorsqu’on nous propose un choix de différents formats, nous allons préférer de « façon naturelle » le son de la meilleure qualité. Ce n’est pas le cas.

Rock ‘n’ Folk, Formats par Patrick Eudeline

Après mûres réflexion je vais commencer par l’article de Patrick Eudeline. Que dire ? Le chapeau signale que « notre chroniqueur a rassemblé ses connaissances audiophiles pour parler de hertz (sic) et de signal analogique. » A la lecture de l’article, nous ne devons pas avoir la même définition de « connaissances audiophiles ». Pour résumer, Patrick Eudeline regrette le temps analogique. Le son c’était mieux avant. Il en a le droit mais son article, quand il traite de questions techniques, est d’une confusion totale et farcis d’erreurs. Quelques exemples :

En 1985 arrive le CD

C’est 1982 aux USA et au Japon et 1983 en France. Cet extrait du journal d’Antenne 2 du 27 février 1983 le démontre.

http://www.ina.fr/video/CAB8301066601/disque-numerique-video.html

Steve Jobs et Bill Gates en popularisant des Unix, système issu de ce Linux …

C’est juste l’inverse. UNIX ™ est un système d’exploitation développé à partir de 1969 par les laboratoires Bell. Linux est un système d’exploitation créé en 1991 par Linus Torvalds, un étudiant finlandais. Linux ne contient pas de code provenant d’Unix, mais c’est un système inspiré d’Unix. Donc rien à voir.

…on apprend … à compresser … au sens de pousser la dynamique.

C’est l’inverse. La compression réduit la dynamique. Reconnaissons à Patrick Eudeline le mérite de ne pas faire la désormais classique confusion entre compression informatique de type mp3 et la compression dynamique.

En 1985 arrive le CD, premier développement du numérique, précédé par le Betamax en 1979.

Je ne reviens pas sur la date fausse. Que vient faire ici le Betamax créé par Sony en 1975 qui utilise une bande analogique comme la Compact Cassette de 1963 (la bande magnétique est inventée par BASF en 1934) et qui est destiné à enregistrer de la vidéo ? Mystère.

Patrick Eudeline parle également du Pono, de Neil Young :

Guère mobile (il est lourd et destiné à être posé sur un meuble plutôt que baladé)

Le poids du lecteur Pono est de 128 grammes (lourd ?). On a du mal à comprendre le propos alors que l’on voit au-dessus dans une photo illustrant l’article de Rock ‘n’ Folk, David Letteman manipulant le Pono dans sa main. La photo est tirée de l’émission « David Letterman Show » sur CBS le 27 septembre 2012 où Neil Young présentait un prototype du PonoPlayer pour une des premières fois. Voir ci-dessous.

 

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Patrick Eudeline écrit trois fois dans l’article que la caractéristique du son CD est « 16 bit sur 44 hertz ». Mettons de côté le fait que s’agissant d’une unité physique provenant d’un nom propre elle doit avoir une majuscule (Hz ou Hertz et non pas hz ou hertz). C’est du détail. « 16 bit sur 44 hertz » ; c’est juste consternant ou il s’agit d’une mauvaise réécriture. Si c’était 44 Hz, cela signifiera que la fréquence la plus aigüe inscriptible sur un CD ne pourrait pas dépassez 22 Hz. Ce serait inaudible, c’est hors de notre champ de perception auditive. Avec « 16 bit sur 44 hertz » il n’y a rien à écouter. Il s’agit évidemment de 44 100 Hz ou 44,1 kHz. Cette fois ci, la fréquence la plus aigüe est 22 500 Hz. Ce qui correspond très grosso modo à la fréquence la plus haute audible par un jeune avec des oreilles en bon état. On perd avec l’âge.

L’article de Patrick Eudeline me paraît être plus d’un billet d’humeur assez porté sur l’émotion et la nostalgie : « la beauté du vinyle », « Mais le cœur ? » « On ne l’entend pas mais on le sait ». Les questions posées sont pertinentes mais en mélangeant plusieurs registres avec des notions historiques, techniques voire scientifiques souvent erronées l’article perd toute crédibilité. C’est dommage car il insiste bien sur le fait que le fond du problème est le passage analogique/numérique. Il a également bien vu que le critère déterminant pour le grand public c’est l’aspect pratique.

Rock and Folk n° 573 mai 2015

Rock ‘n’ Folk, n° 573 mai 2015 Formats par Patrick Eudeline pages 74 à 77

 

Diapason,  Le billet de Thierry Soveaux

Thierry Soveaux constate que « le sujet est complexe ». On ne saurait lui donner tort. Il a fait un test d’écoute à partir du concert du nouvel an à Vienne 2015. Le concert avait été diffusé sur France 2 mais il n’est plus disponible à la demande. http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/musique-classique/concert-du-nouvel-an-au-musikverein-de-vienne-partie-22-207463

Nous avons comparé quatre formats téléchargés sur le site de Qobuz : ALAC 24 bits/96 kHz, FLAC 16 bits/44 kHz, WAVE 16 bits/44 kHz et WAVE 24 bits/96 kHz. Les meilleurs résultats ont été obtenus en WAVE 16 bits/44 kHz et FLAC 16 bits/44 kHz supérieurs même au WAVE 24 bits/96 kHz, plus coûteux à l’achat… Une captation AAC prise sur Itunes s’est révélée d’une qualité réellement insuffisante, contribuant à notre perplexité.

On remarque que lorsque on discute de la musique classique enregistrée on ne parle JAMAIS, mais JAMAIS de vinyle. Comme indiqué dans l’introduction, ce n’est pas un problème simple. Ici clairement ce n’est pas le format de la plus qualité technique qui est le plus apprécié. Il faut chercher les raisons autre part, par exemple du côté du Guardian.

Diapason n° 634 avril 2015

 

Diapason, n° 634 avril 2015 Le billet de Thierry Soveaux page 125

 

The Guardian, How much difference is there between MP3, CD and 24-bit audio ? par Samuel Gibbs, Tim Jonze et Jason Phipps

Trois journalistes spécialisés du Guardian (Samuel Gibbs, Tim Jonze et Jason Phipps) ont comparé 4 formats : mp3 128 kbps, mp3 320 kbps, CD-Audio, 24 bit master studio. Tous les phonogrammes ont été lus par un même système hi-fi Linn de haute qualité. La question qu’ils se posaient était : entend-on vraiment une différence ? Les morceaux écoutés étaient :

  • Pinball Wizard des Who ;
  • One of These Things First de Nick Drake ;
  • L’ouverture de West Side Story ;
  • Nessun Dorma chanté par Pavarotti (Turandot)

Je dresse ici un résumé des réflexions de chacun des journalistes (traduction personnelle, certaines expressions sont vraiment difficiles à traduire).

Tim Jonze

Oui j’ai pu entendre une différence mais peut être pas de la manière dont je l’attendais.

Les enregistrements de haute qualité deviennent plus clairs, plus détaillés (crisper) avec chaque partie instrumentale émergeant d’un obscur marais de sons.

Apprécier la différence dépend du degré de concentration.

Ma façon préféré d’écouter de la musique c’est avec un casque pendant que je marche – c’est à ce moment-là que je peux pleinement m’oublier dans la musique mais ce n’est jamais le son précis qui m’intéresse, c’est plus la façon dont la musique me transporte émotionnellement dans un autre univers. Elle m’emmène plus qu’elle me noie. A la vérité, je trouve que le son impressionniste d’un MP3 est aussi efficace pour provoquer un choc émotionnel que le réalisme photographique d’un enregistrement studio master.

Jason Phipps

Dans certains cas cependant, la clarté des fichiers au haute résolution a un effet global que je qualifierai de d’effet glaçant (chilling effect) sur la musique ; la clarté crée beaucoup trop d’espace dans la musique et diminue la chaleur et la cohésion pour moi.

Samuel Gibbs

Il y a une réelle différence discernable entre le MP3 ou le CD et les studios masters.

Mais cette différence n’est pas toujours une bonne chose. Je suis déçu que l’enregistrement de Pavarotti (Nessun Dorma) sonne plus mal en studio master, car cela rend évident que l’orchestre et le ténor ont été enregistrés séparément dans des environnements différents. Les deux sonnent déconnectés, c’est quelque chose qui était masqué dans la version CD.

Globalement, les enregistrements studio masters sonnent plus plein, avec plus d’espace et sont moins plats. Certains morceaux sont très proches de ceux CD. D’autres, comme Pinball Wizard des Who,  sonnent moins produits et plus bruts ou naturels comme s’il s’agissait d’un enregistrement public.

How much difference is there between MP3, CD and 24-bit audio?
21 août 2014 http://www.theguardian.com/technology/2014/aug/21/mp3-cd-24-bit-audio-music-hi-res

 

Le Monde, On a testé… la musique en haute définition par Nicolas Six

Le journaliste a demandé à trois professionnels de comparer neuf morceaux de différents styles (les morceaux ne sont pas cités et les caractéristiques techniques des fichiers son ne sont pas précisées). Résultats :

Médéric Collignon

S’il y a une différence, elle est vraiment infime. En tout cas, je ne prends pas plus de plaisir avec la version HD.

Cyrille Lehn

Je ne suis pas certain, je dis ça presque au hasard.

Stéphane Briat

La différence est presque inaudible. Le plaisir est probablement contenu dans l’idée même d’écouter la musique en HD. Chez certaines personnes, ça suffit à trouver une forme de contentement.

L’article commençait par ce chapeau :

Sony et Neil Young veulent conquérir le grand public avec leurs baladeurs haute définition 24-bits 192 kHz. Les ventes de musique HD explosent. Mais entend-on vraiment la différence ?

La réponse est claire, c’est non.

Capture

21 août 2025 http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/08/21/on-a-teste-la-musique-en-haute-definition_4711583_4408996.html

L’écoute ? C’est l’affaire du cerveau.

Comme on le constate pour les journalistes : trop de précision, trop de définition donnent à la musique enregistrée un effet « glaçant ». Il s’agit de trouver un équilibre entre transparence, clarté, précision, séparation et « chaleur », cohésion, image globale cohérente. On est au cœur, me semble t-il, de la problématique. Contrairement à ce que semblerait l’indiquer un hypothétique « bon sens » l’enregistrement de musique de la meilleure qualité technique objective n’est pas celui qui est le plus apprécié à l’écoute de façon donc subjective. Entre les deux, il y a notre cerveau.

Hi-fi music streaming: People can’t tell it when they hear it

Article sur CNBC de Eric Chemi

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Nouvelle confirmation :

 

Certains aspects de cette question ont déjà été traités dans mes articles auxquels je renvoie :