Pour répondre au long commentaire de Pol à l’article précédent Sur le métier, remettons le Pono de Neil Young voici une suite avec quelques précisions. J’ai également fait entre temps une petite expérience concrète intéressante. Je reviens sur le propos de Neil Young qui déclare que dans un fichier mp3 à 128 kbps, 95 % des informations ont été perdues. Comme je l’ai indiqué, il exagère un petit peu sur les chiffres c’est presque 89 % (100 -1411/128) ce qui est déjà énorme.

Comment marche la compression mp3 ?

En faisant cette déclaration, Neil Young fait un calcul purement quantitatif. Il y a bien 89 % d’informations en moins mais ce n’est pas du tout qualitatif c’est à dire ce n’est pas ce qu’on perçoit. Cela me permet d’essayer d’expliquer (un peu) comment fonctionne la compression mp3. Le format mp3 utilise plusieurs méthodes de calcul (algorithme) pour diminuer la taille du fichier. Je me contenterai d’en préciser 3 mais il y en a d’autres :

1 – Si l’oreille (jeune) peut entendre les fréquences de 20 Hz à 20 000 Hz, sa sensibilité n’est pas la même pour toutes les fréquences. Pour le dire en termes scientifiques, la réponse de l’oreille n’est pas linéaire. Ce sont les chercheurs Harvey Fletcher et Wilden A. Munson qui ont fait ces mesures pour la première fois en 1933. Ces mesures de la sensibilité de l’oreille aux fréquences ont été depuis précisées mais les principes n’ont pas été remis en cause (ISO 226:2003). Plus les courbes sont vers le bas, plus l’oreille est sensible. Ce qui signifie qu’il y a besoin de moins de volume pour l’entendre. On remarque que l’oreille humaine est très sensible à la plage de fréquence 1 000 Hz – 4 000 Hz. Ce n’est pas étonnant, ce sont les fréquences de la voix humaine.

Isotonie

C’est le résultat de l’évolution, notre oreille est très sensible à la voix de nos semblables. La nature est quand même bien faite ;-). Mais notre oreille est très peu sensible aux fréquences très basses (c’est pourquoi elles peuvent être amplifiées  artificiellement sur un amplificateur avec le filtre physiologique appelé loudness) et aux fréquences très aiguës. Concrètement, la compression mp3 va supprimer les fréquences au dessus de 16 000 kHz comme on le voit sur le schéma ci-dessous.

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Il s’agit d’une vraie perte, ces fréquences ne sont plus dans le signal.

2 – Lorsque deux fréquences sont proches l’une de l’autre en valeur mais que l’une est beaucoup forte en volume que l’autre. La plus forte des deux empêche l’oreille d’entendre la plus faible. C’est l’effet de masque. La compression mp3 va supprimer la fréquence masquée. Il s’agit d’une vraie perte, cette fréquence n’est plus dans le signal.

3 – La compression mp3 utilise l’algorithme de Huffman. En informatique, les informations sont codées par des de très longues séries de deux chiffres 0 et 1. Par exemple 01001001110 etc. Si la séquence précédente revient souvent dans le signal on va lui attribuer un code, par exemple A pour que cela prenne moins de place. Évidemment c’est très simplifié parce que la série codée est beaucoup plus longue et que le code ne peut être qu’une suite de 0 et de 1. Mais c’est l’idée. Une séquence qui revient souvent va être codé par une autre plus courte. Cette fois ci il n’y a pas de perte, c’est un codage. Lorsqu’on décode, on récupère la totalité des informations.

Neil Young est donc d’une parfaite mauvaise foi mais c’est un peu le jeu. Il n’utilise que l’aspect quantitatif numérique pour dire que 95 % des données ont disparu. Sur l’aspect qualitatif numérique, comme on vient de le voir avec l’algorithme de Huffman, c’est en partie faux, une partie a été recodée. D’un point de vue perceptif analogique, on n’entend pas une perte de 95 %. Neil Young n’utilise que l’argument qui va dans le sens de ces propos.

Si vous êtes vraiment intéressé par ces aspects, je vous conseille ces deux articles (en anglais) très fouillés avec des exemples sonores à télécharger.

 


Béranger, BNF et Qobuz

Le 12 août 2014 à 15h00 sur France Culture était diffusée une émission conférence sur Béranger (et sur Baudelaire) : Grands écrivains, grandes conférences par Philippe Garbit.

La page de l’émission
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J’avais déjà quelques chansons de Béranger mais dispersées sur plusieurs compilations et j’ai souhaité en avoir un peu plus. Que ce soit côté légal ou illégal, peu de choix sauf « Dix chansons de Béranger (Mono version) par Germaine Montero », accompagnement Philippe-Gérard et son orchestre enregistrement de 1955. C’est là que cela devient intéressant. Ces enregistrements sont proposées par la BNF. Rappelons que depuis quelques années, la BNF numérise une partie de son fonds. Dans le cadre d’un contrat de partenariat c’est la société belge Memnon Archiving Services qui prend en charge la numérisation et c’est Believe Digital qui s’occupe de la commercialisation. Bizarrement, Amazon. fr ne propose pas ces enregistrements. Qobuz propose ces enregistrements en deux qualités :

  1. Qualité Studio Masters (24 bits)
  2. Qualité CD (Lossless 16 bits 44,1 kHz)

On comprendra aisément que proposer une qualité Studio Masters (24 bits) d’un repiquage sur un vinyle de 1955 en mono n’a pas vraiment de sens. Qobuz en convient et affiche un petit avertissement :

Information importante sur cet album en 24 bits
Cette collection est réalisée par numérisation des disques du commerce conservés dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France. Selon les cas il s’agit d’un simple transfert numérique brut, ou d’une re-masterisation plus travaillée. La numérisation a été réalisée en 24 Bits, ce qui nous permet dans certain cas de les proposer sans supplément de prix dans cette qualité MAIS il ne s’agit pas de Studio Masters réalisés d’après les bandes originales.

Pas sûr que tout le monde le lisent.

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Encore une illustration de la difficulté de l’utilisation des ces notions.

Très bon album (petit extrait sur YouTube ci- dessous), globalement le travail est bien fait.
Juste un petit regret : celui de ne pas avoir dans le livret numérique la pochette originale qu’à priori on peut voir ici.

 


 Petits suppléments

 

Source: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2079474

Chaîne YouTube de la BnF Collection Sonore – Chanson Française et Francophone (on distingue bien le logo de Believe)

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