La dynamique des instruments

Voici le premier billet d’une longue série destinée à explorer les différents aspects de la compression audio. Commençons par illustrer la notion de dynamique sur des instruments. Pour simplifier la démonstration, je prendrai uniquement des instruments acoustiques.

Chaque instrument possède sa propre dynamique (voir la définition de la dynamique) : c’est à dire que chaque instrument possède, plus ou moins, la capacité de produire des sons de faible ou fort volume suivant le jeu de l’interprète. Suivant les instruments, ces dynamiques peuvent être très différentes.

Les trois premiers exemples audio suivants sont tirés du « CD Test » accompagnant le numéro Hors-Série 2009 n° 38H de Diapason. Ce CD présente « 15 prises de son d’exception » choisies par Nicolas Bartholomée. Je ne saurai trop que vous conseiller de vous le procurer ou d’acheter directement les disques.


Clavecin

Extrait de l’aria Da Capo e fine (la dernière donc) des Variations Golberg de Bach.
Interprète : Pierre Hantaï. MIRARE MIR 9945

La capture image, ci-dessous, de l’enveloppe de l’enregistrement montre clairement deux caractéristiques de l’instrument clavecin : peu de dynamique et faible volume.

Peu de dynamique car peu de différence entre les niveaux forts et les niveaux faibles. Faible volume parce que il y a peu de bleu. Le clavecin est un instrument à cordes pincées (comme la guitare) et il n’est pratiquement pas possible pour l’interprète d’obtenir des nuances de dynamique. Impossible d’avoir une nuance douce (« piano ») ou fort (« forte »). En écoutant l’extrait et en suivant sur l’enveloppe, on entend clairement que la façon d’obtenir plus de volume est de jouer plusieurs notes à la fois ou de jouer des notes graves.

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Piano

Extrait du Finale de la sonate KV 333 de Mozart à partir de 5:40.
Interprète : Claire-Marie Le Guay.
L’esprit concertant. Œuvres Pour Piano /Vol.3 Accord

Visuellement, la différence est flagrante. Ici, on a une très grande dynamique. Les notes les plus faibles à l’écoute ne sont quasiment pas visibles sur l’enveloppe alors que les trois accords finaux offrent quasiment le plus fort volume de l’instrument.

Le piano est l’instrument roi de la dynamique. C’est même pour cela qu’il a été créé. Son ancêtre est le clavicorde où les cordes sont frappées contrairement au clavecin. En 1698, Bartelemeo Cristofori crée le premier « gravicembalo a forte e a piano » capable de jouer, comme son nom l’indique, des nuances « forte » et « piano ». Cet instrument évoluera ensuite vers le pianoforte puis le piano classique du 19e siècle (Pleyel, Erard, Steinway, etc.). C’est cette capacité dynamique qui explique en grande partie son succès d’autant qu’à partir du 18e siècle commencent les concerts publics payants et le faible volume global du clavecin ne lui permet pas d’être joué dans de très grandes salles. Le clavecin est un instrument de solo ou de petites formations. Son abandon progressif s’explique, en partie, à partir de cet éclairage.

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Une remarque intéressante

Dans le livret de son CD-Audio intitulé « Bach », Hélène Grimaud fait une très jolie remarque sur la différence entre piano et clavecin. Son disque est une belle illustration de la dynamique en particulier dans la « Chaconne ».

« Hélène Grimaud | Bach »,  Deutsche Grammophon, 477 7978

Il y a de nombreuses années, j’ai fait une expérience intéressante. Je travaillais le Concerto italien dans un studio où il y avait également un clavecin – alors je l’ai essayé sur cet instrument, et ce fut une révélation. Parce que cela m’a aidé à comprendre que la manière de traduire l’expressivité de la musique n’est pas entre, mais exactement sur les notes. J’ai également compris combien certaines capacités de l’instrument moderne pouvaient être contre-productives – non seulement dans Bach, mais aussi dans le premier Beethoven et dans Schubert, par exemple. Jouer Bach au clavecin m’a montré que c’est le timing qui est la clef de l’articulation et de l’expression. On peut se laisser fourvoyer par un Steinway – on peut trop faire avec lui. Cette expérience a transformé ma façon de jouer Bach.

 

 


Orchestre symphonique

Extrait du Finale (4e mvt) de la Symphonie n°8 de Anton Bruckner à partir de 19:46.
Interprète : Philharmonique de Vienne dirigé par Pierre Boulez

La multiplication des pupitres dans l’orchestre symphonique romantique ou post romantique va permettre d’exploiter au maximum cette dimension de dynamique audio, mais cette fois ci non pas à propos d’un instrument mais à propos d’un ensemble d’instruments.

L’extrait suivant illustre magnifiquement ce que peut en tirer un compositeur en mobilisant plus ou moins d’instruments. Écoutez en particulier la première montée dynamique qui culmine avec l’explosion des cuivres. Résultat garanti. Quelle différence avec le clavecin ! Mais la musique composée n’est pas la même. Le compositeur écrit de façon pertinente par rapport à son outil. Les œuvres pour le clavecin ne sont pas moins intéressante (je les adore).

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La dynamique : une dimension essentielle de la musique

Pour conclure : chaque instrument possède sa propre dynamique. Certains ont une dynamique très faible comme le clavecin, d’autres très importante comme le piano. L’orchestre symphonique en jouant sur la dynamique des instruments mais également sur le nombre de musiciens mobilisés permet de jouer très finement sur les nuances de dynamique. C’est une dimension absolument essentielle de la musique.

Dans ce billet, nous avons illustré la dynamique d’instruments acoustiques. Que se passe t-il quand ces instruments sont enregistrés sur un support ? Ce sera le sujet du prochain billet où nous parlerons de la compression dynamique audio pour la musique enregistrée.

 


La semaine prochaine, 2e épisode de cette histoire de la compression dynamique du son enregistré et diffusé.
La musique enregistrée des instruments.
https://blog.formations-musique.com/2009021540-compression-audio-part-2/post/2009/02/15/40-compression-audio-part-2